Delphine
Depardieu lors de la cérémonie des Prix Raimu
Nathalie
Vierne est auteur et metteur en scène de la pièce à succès JUPE OBLIGATOIRE
avec Delphine Depardieu, un tableau qui a reçu les éloges unanimes de la presse
féminine. Jupe Obligatoire s’est jouée pendant un an au Théâtre du Gymnase
avant de prendre ses quartiers à la Grande Comédie et vient d’obtenir le Prix
Raimu du public, ce 15 décembre 2008, lors d’une cérémonie qui
s’est tenue au Théâtre du Palais Royal, sous la présidence de Monsieur Claude
Lelouch.
Jupe obligatoire s’ouvre en prolongation au Palais des Glaces à compter du 13 janvier prochain. Un rendez-vous à ne pas manquer pour une pièce et un tandem de comédiens à voir et à revoir.
Chronique
d’une pièce à succès
François Deblaye et Delphine Depardieu
Le
rideau s’ouvre sur France (Delphine Depardieu), d’origine aristocratique,
scénariste « nègre », installée devant son écran d’ordinateur,
dans l’enceinte de son appartement, au charme plutôt cosy et connectée, par
le biais de sa web cam à Maître Dong (Salvatore Ingoglia), gourou manipulateur
et quelque peu voyeur… de son vrai prénom, Roger, qui, comme le confère la
sonorité n’a rien ni d’exotique ni de si tantrique que le concerné le prétend !
France, avant de s’apercevoir de cette sinistre supercherie dont son manque
de confiance fait d’elle la dupe, se voue sans méfiance aux boniments improvisés
de ce guide spirituel pour notre plaisir tant les mises en connexion entre l’oie
blanche et le pervers sont occasions de franche rigolade !
Salvadore Ingoglia
A
cela s’ajoute, la petite salle de la Grande Comédie qui nous concède
une évidente proximité avec la scène où tout semble là – meubles de style,
canapé sofa de type bergère, services a café, ordinateur, « prousteries »
enfermées dans une vitrine pour l’adepte de l’écrivain que France est –
comme pour mieux installer France dans son quotidien et rompre ainsi avec tous
les clichés faciles mais désuets que peut conférer une pièce sur le thème
du libertinage. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Le parti pris de la
mise en scène, s’il en est un, a probablement visé le rendu esthétique sur
lequel reposent également les partitions musicales qui accompagnent et soutiennent
l’évolution dramaturgique, le choix des lumières et celui des costumes. Inutile
de venir y chercher lumières tamisées, résilles
ou attitudes volontairement lubriques. C’est tout
son contraire que propose Jupe Obligatoire, loin, très loin de la caricature
des mœurs échangistes ou libertines.
Christian
Mulot
Mais
revenons à France. Intellectuelle et modeste, la jeune scénariste est commanditée
par son ex compagnon, Bernard (Christian Mulot), arrogant et suffisant, réalisateur
et comédien de renom, repu aux césars et autres distinctions (pour qui la Légion
d’Honneur… n’est qu’une broutille pour ne pas dire une simple formalité !)
pour l’écriture d’un scénario qui doit mettre en perspective les tous premiers
pas d’un couple vers l’échangisme, univers au sujet duquel France n’a –
évidemment - aucune connaissance mais… beaucoup de préjugés ! Comme
l’écriture est son seul gagne pain et Bernard son unique client, France relève
les manches et le défi. Malheureusement, la lecture
de sa première mouture déclenche les sarcasmes et les reproches de Bernard pour
qui la trame retenue tient plus du film pornographique que d’une esquisse finement
menée sur le thème enchanteur du libertinage. Bien que chancelante, France lui
tient tête, résiste tant bien que mal au lyrisme moqueur et provocateur du macho
et défend le parti pris rédactionnel de son scénario en s’appuyant sur sa
connaissance devenue empirique des mœurs libertines maintenant que celle-ci se
réclame d’une sexualité aboutie !
Mais rien n’y fait. Bernard ne la croit pas et lui commande manu militari, sur
un ton péremptoire dont lui seul à l’audace, une version plus crédible et
digne de ce nom… et surtout de son talent autoproclamé ! Pour ce faire,
il débarque Sharon (Kym Thiriot) extravertie et flamboyante dans le quotidien
conservateur et aseptisé de France. Aspirante comédienne, tout droit débarquée
de son Mans natal et prête à tout pour réussir, Sharon repose son talent sur
la plastique impeccable dont la nature l’a dotée et s’avère fervente adepte
des clubs échangistes. Notre compère pense ainsi qu’elle pourra familiariser
France à cet univers de dentelles et la délivrer de ses préjugés qui frisent
le malentendu pornographique. Mais je n’en révélerai pas davantage.
Delphine Depardieu, Kym Thiriot
C’est ici que la pièce m’est apparue comme ne portant pas exclusivement sur
l’échangisme mais davantage sur la relation qui se noue entre deux femmes que
tout oppose au départ si le spectateur ne se fie qu’aux apparences. Car l’un
des thèmes retenu par Jupe Obligatoire est aussi cette mise en garde contre le
monde des apparences et des représentations premières qui rassurent tout autant
qu’il peut égarer. Finalement, l’arrogance machiste de Bernard et sa supériorité
affichée cachent un début d’impuissance et un sentiment d’infériorité
qui le complexent ; la réserve et le visage prude de France dissimulent
une sensualité débridée ; la sulfureuse Sharon vite réduit à n’être
qu’une bimbo au point d’être confondue avec cette image n’est finalement
qu’une tendre et brave fille de la campagne ; le grand manitou Maître
Dong à qui le risque serait grand de donner le Bon Dieu sans confession se révèle,
quant à lui, pervers manipulateur… et la liste
est encore longue de ce jeu de société où chacun incarne à merveille ce qu’il
semble être et surtout… tout son contraire. Un jeu de pistes finement mené
pour nous rappeler que rien n’est jamais acquis ! Et pour nous offrir des
rebondissements inattendus et comiques.
En définitive mais ceci n’implique que ma plume, l’échangisme sert de prétexte – plutôt bien choisi – pour lever les a priori et les préjugés encore nombreux qui entourent la sexualité féminine! Alors que Bernard peut presque tout dire ou parfois simuler par une gestuelle adéquate sans être pour autant choquant parce qu’il est un homme, au contraire, la sensualité et l’éveil des sens de France et de Sharon peuvent s’avérer plus scandaleux même si Nathalie Vierne les entoure de sentiments. D’ailleurs, on entend les réactions du public quand les deux demoiselles s’embrassent ! Jupe Obligatoire a réussi le pari difficile de parler du plaisir féminin encore tabou sans friser la caricature ni verser dans le cliché ni même se nourrir de poncifs ennuyeux. En cela, chapeau bas !
Le tabou du plaisir féminin est encore si palpable dans la société qu’il
entraine une culpabilité dont les intéressées se défendent par une justification
quasi systématique… et drôle !.. que Nathalie Vierne ne passe pas sous
silence non plus. Sharon cède aux plaisirs charnels des clubs échangistes…
mais juste pour servir sa carrière… naissante ! France supplie Maître
Dong de l’accompagner dans l’enceinte d’un club mais à des fins exclusivement
professionnelles quant à la vraisemblance de son scenario à laquelle ce dernier
doit aspirer… mais sans voyeurisme aucun !
Jupe obligatoire, pièce menée par des comédiens drôles et sympathiques raconte les tribulations d’une jeune scénariste. Alors que la morale place le couple au centre de la sexualité, l’échangisme positionne davantage l’individu au cœur de sa sexualité et de sa liberté. On en ressort avec le sentiment d’avoir passé un bon moment sur le thème « osera, n’osera pas ».
JUPE OBLIGATOIRE
Palais des Glaces
37 rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Métro: République / Goncourt
Réservations: 01 42 02 27 17
www.palaisdesglaces.com
Elise Retou
Reportage photos de la cérémonie des Prix Raimu
Le plateau des Prix Raimu
L'équipe de Jupe Obligatoire
Kym Thiriot, Jean-Michel Wanger (le vrai Bernard!) et François Deblaye
Kym Thiriot et Delphine Depardieu
Elise Retou
Crédit photos Droits réservés Jean Rauzier